Ma femme… c’était une force de la nature. Forte et indépendante.
À travers, les épreuves, la maladie, les opérations, les chimios… elle a toujours voulu me protéger. Ses derniers jours, elle a pris un moment pour me faire comprendre qu’elle allait me quitter… mais ça, je le savais depuis 3 ans.

Tout au long de son combat, elle n’a cessé de me répéter que ce n’était pas normal qu’on ne prévienne pas les femmes atteintes d’endométriose, qu’elles devaient rester attentives. Qu’on ne se débarrasse jamais vraiment de cette maladie. Qu’elle peut revenir, évoluer, se transformer.

Elle aurait voulu prévenir, sensibiliser les femmes au lien qui existe entre l’endométriose et le cancer. Malheureusement, son cancer ne lui en n’a pas laissé l’occasion.

Aujourd’hui, je reprends le flambeau pour elle, pour les femmes atteintes d’endométriose. À travers son histoire, j’aimerais avertir qu’il est important de rester attentive et de parler.

« Parlez et surtout faites-le vite ».

Diagnostiquer l’endométriose, un vrai combat

Nous nous sommes mariés en 1985. Ma femme avait alors 25 ans. C’est à cette date que je démarre son histoire, notre histoire.

Aussi loin que je me souvienne, ma femme a toujours connu des règles douloureuses. A l’époque personne ne s’en inquiétait.
Le temps passait et les douleurs se faisaient de plus en plus intenses. Nous avons pris le problème plus sérieusement lorsqu’elle s’est mise à sentir une dureté, comme une boule dans le fond de son vagin. Cette boule revenait à chaque période de règles.

A plusieurs reprises, ma femme en a parlé à son gynécologue mais il ne l’écoutait pas et ne la croyait pas. Un jour ma femme est rentrée bouleversée d’un rendez-vous en me disant : «tu sais ce qu’il m’a dit : que je n’avais pas de problème, que tout cela était dans ma tête et que je devais consulter un psychologue

J’assistais impuissant, à ses douleurs. Après cette remarque déplacée, j’ai alors conseillé à ma femme de demander l’avis de mon beau-frère, neurologue. Il a tout de suite suspecté de l’endométriose et lui a conseillé de faire une échographie lorsqu’elle avait ses règles. Il lui a expliqué que les médecins devraient voir un kyste apparaître.

Un conseil qu’elle s’est empressée de suivre. Lors de l’examen, les médecins ne trouvaient rien, mais ma femme a fortement insisté et ils ont fini par trouver une ombre sur l’échographie.
Malgré ce résultat, le gynécologue est quand même resté sur ses positions.

Nous avons ensuite consulté un chirurgien. Il a effectué un nouvel examen qui a mis en évidence ce fameux kyste que ma femme ressentait, mais ne croyant pas à l’endométriose, le chirurgien a préféré diagnostiquer une hernie inguinale.

C’était toujours une bataille contre le corps médical. Ma femme était beaucoup mieux informée qu’eux.

Après l’opération, le chirurgien est arrivé stupéfait dans la chambre et nous a annoncé qu’après les résultats d’analyse, c’était bel et bien un kyste d’endométriose.
Ma femme a alors changé de gynécologue pour de bon.

endométriose et le lien avec le cancer ovarien

Des interventions complexes

Un peu après cette opération, lors de l’été 1990, nous avons fait nos valises pour quelques jours de vacances. Mais le programme fut bien différent de ce que nous avions prévu.
Après un trajet peu confortable en avion, ma femme a souffert de douleurs au nerf. Une douleur intenable qui ne la quittait plus.
Au retour de nos vacances. La douleur était toujours bien présente mais nous déménagions vers la capitale et nous n’avions plus le temps d’y penser.

Un week-end, la douleur est devenue invivable. Hurlant de mal, nous décidons de choisir un hôpital un peu au hasard et nous arrivons aux urgences à Saint-Luc.
Là-bas, un jeune assistant pose quelques questions à ma femme et s’intéresse de plus près à son opération d’endométriose. Suite à son premier échange, il prévient le Professeur Donnez, qui à l’époque était un grand spécialiste de l’endométriose.

Il explique à ma femme qu’elle est remplie d’endométriose. Le précédent chirurgien ayant juste enlevé le kyste sans s’inquiéter des autres lésions et des adhérences, la maladie a poursuivi son développement. Il faut réopérer.

La chirurgie se déroulera par laparoscopie, une technique relativement nouvelle pour l’époque.
Des complications se sont présentées. En brûlant les lésions présentent dans son péritoine, ils ont percé son rectum. Un problème qui a poussé les chirurgiens à changer de technique opératoire.

La laparoscopie s’est transformée en laparotomie.

Après des heures d’opération, ma femme est revenue dans la chambre remplie de tuyaux. Elle est restée intubée plusieurs jours. Elle était très mal en point.

Une fois remise sur pied, elle a été suivie à Bruxelles. Après quelques essais de traitements, elle a fini par trouver une pilule qui lui convenait.

Et on n’a plus jamais entendu parler de l’endométriose.

opération endométriose

Une cicatrice pas comme les autres

En 2015, près de 25 ans après ces opérations d’endométriose, le livre s’ouvre à un nouveau chapitre. Le chapitre final.
Certains jours, elle se plaignait de sa cicatrice, elle décrivait une gêne mais surtout l’impression que cette ancienne cicatrice se modifiait, bougeait. Elle était un peu rouge, un peu boursouflée.

Comment est-ce qu’une cicatrice de plus 20 ans peut se modifier ?

Ma femme était d’une génération où l’on n’osait pas se déshabiller devant un médecin, on avait peur des on-dit,… Elle se mettait beaucoup d’interdits. Pendant un temps, elle s’est trouvé des excuses et s’est tue.

A 55 ans, elle a décidé de prendre sa pension.

Toutes ces années passées à côté de ma femme, je la connaissais par cœur. Et je peux vous dire que ma femme, c’était un vrai bulldozer. Hyperactive, inépuisable, des projets plein la tête, …
J’avais presque un peu peur de voir ce jour de la pension arriver. J’ai alors très vite remarqué que ma femme n’était plus la même. Elle multipliait les siestes, ne faisait rien de ses journées. Je ne la reconnaissais pas.

Elle-même sentait que ce n’était pas normal, mais elle ne voulait pas en parler.

Durant des vacances en Espagne, couchée sur le lit, elle me demande de jeter un œil à sa cicatrice qui la dérange toujours.
Je m’exécute et observe un œuf de poule sous sa cicatrice d’opération.
Ce n’était pas normal.

Inquiets, nous passons quelques coups de fil à sa gynécologue, mon beau-frère neurologue et d’autres personnes. Mais tous sont d’accord pour dire qu’au vu de l’endroit, il n’y a pas à se tracasser et nous conseillent de profiter des vacances.

endométriose cancer ovarien

Un cancer de type ovarien

A notre retour, ma femme prend rendez-vous à l’hôpital et consulte un nouveau médecin. Une ponction est faite et une opération est proposée mais sans savoir réellement de quoi il ressort, je m’oppose. Etant donné l’emplacement du kyste, nous décidons de retourner à Saint-Luc.

Après avoir abandonné les formes, le médecin nous affirme que c’est cancéreux.
Il prépare alors une opération à 4 chirurgiens.
Une intervention qui a duré toute la journée. A chaque fois qu’ils coupaient dans les chairs, cela devait partir à l’analyse pour savoir s’ils avaient coupé assez loin.

Au retour de l’opération, le chirurgien nous explique que la tumeur mesurait 12cm sur 7 et pesait 500g. Après l’analyse de la tumeur, ils nous annoncent que la masse était composée de cellules cancéreuses de types ovariennes.
Et que ces dernières sont les plus agressives du cancer de l’ovaire. Pour poursuivre dans les mauvaises nouvelles, un ganglion avait déjà percé, on savait que des métastases pouvaient arriver. Pour l’expliquer facilement, c’est un peu comme si un sac de poussière avait percé et qu’il fallait rattraper le moindre grain de poussière. Cela est impossible.

Après cette chirurgie et des chimiothérapies entamées, les médecins proposent de la laisser se reposer et de voir comment cela évolue.
Mais ma femme décide alors de demander un second avis. Etant donné que c’est un cancer de type ovarien, ils préconisent un débulking pour vérifier chaque organe.

Lors de cette opération, les médecins découvriront qu’aucun organe aux alentours n’est touché. Tout était sain. Sauf dans cette zone où elle avait eu l’endométriose.
Une certaine incompréhension régnera. En effet, la cicatrice de l’opération d’endométriose a fini par développer un cancer de type ovarien. Mais sans aucune atteinte aux ovaires.

Après cette énième opération, son corps fatigué vivra une éventration.

Ouverte verticalement, horizontalement. Le cancer flambera.
Elle enchaînera les chimios… sans plus aucun signe positif à l’arrivée. Le cancer se déclarera alors vainqueur en 2019, l’année où elle nous a quitté.

 

C.D.

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