L’endométriose entraine une errance médicale d’environ 7ans. 7 années de trop.
Un parcours long où des douleurs inexpliquées envahissent le corps, les questions restent sans réponse et où les médecins n’ont pas toujours les mots justes. Cette errance finit par laisser des traces indélébiles.

Diana, 40 ans, revient sur son parcours à la recherche d’une explication à ses maux, ses multiples visites chez des spécialistes, ses opérations et ses douleurs neuropathiques qui l’accompagnent encore. Le parcours d’une combattante qui, malgré tout, garde le sourire.

Les premières douleurs

17 ans, l’adolescence. Pour beaucoup, l’âge de l’insouciance mais pour moi, cette période fut le début d’un cheminement long et pénible marqué par la douleur.

J’ai eu mes règles assez tôt, à 11 ans. Je n’ai jamais vraiment eu à m’en plaindre, c’est vrai. Les douleurs ont commencé à envahir mon ventre lorsqu’on m’a prescrit la pilule.

Abdomen, lombaires, sacrum, tout cela me faisait tordre de douleur. Quand on est jeune, on aime sortir, retrouver ses amis. Dans les bals, je devais m’accorder une pause, m’adosser contre un mur ou allonger mes jambes. À 17 ans, on rêve de danser jusqu’au bout de la nuit et non pas de devoir déclarer forfait pour cause de douleurs.

Si les douleurs étaient déjà vives, je ne me suis pas inquiétée directement.

Adolescente, on ne réfléchit pas trop, on préfère mettre ça de côté, on a la vie devant soi…

Mais un jour, cela est devenu insoutenable. Il était clair que quelque chose n’allait pas. J’ai alors commencé à consulter une série de spécialistes.

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L’enchaînement des spécialistes, un enchaînement sans réponse

Comme les symptômes provenaient de l’abdomen, j’ai pris un premier rendez-vous chez un gastro-entérologue. Ce médecin m’a alors annoncé que je buvais trop. Les analyses laissaient apparaître un taux d’enzymes hépatiques bien trop élevé et il en a forcément déduit que j’avais un souci avec la boisson.
Certes, je buvais bien quelques bières quand je sortais mais je savais ce que je faisais et quelle quantité j’ingurgitais. Et non, je ne buvais pas trop.
Ce premier épisode m’a quelque peu refroidi.

J’ai pourtant réitéré l’expérience chez un autre gastro-entérologue qui, lui, a décelé une intolérance au lactose et un côlon irritable.

Pendant ce temps, les symptômes continuaient d’évoluer. De vifs lancements dans les jambes accompagnés de douleurs lombaires firent leur apparition et furent la cause de pertes d’équilibre mais aussi de pertes de connaissance.

Ces nouvelles douleurs m’ont valu quelques expéditions aux urgences où les médecins m’assuraient que non, je n’étais pas enceinte. Mais ça, je le savais. J’avais mal, je ne me demandais pas si j’étais enceinte. La question ne se posait même pas mais, le corps médical s’obstinait à me rassurer sur ce point.

Bref, j’étais confrontée à des médecins qui ne trouvaient aucune explication et me fournissaient des réponses assez farfelues avant de me renvoyer chez moi sans solution.
Je me souviens encore de cette fois où un médecin m’a livré une rapide psychanalyse sur le fait que mes douleurs lombaires et dans les jambes étaient liées à mon adoption. Pour lui, les douleurs exprimaient un problème avec ma mère et étaient le signe que je ne voulais plus avancer dans la vie.

10 ans durant, j’ai enchaîné les gastro-entérologues, les neurologues et autres spécialistes qui n’ont jamais rien trouvé ou même eu l’envie de chercher plus loin.

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Des règles anormales

Ce lien avec mes règles s’est imposé lors de la pose de mon stérilet. Les nausées, les vomissements ont commencé à accompagner mes douleurs.
J’ai remarqué que cela se produisait de façon cyclique, chaque mois, avec mes règles.

J’ai alors tenté d’expliquer mes douleurs à ma gynécologue mais elle me disait qu’il fallait attendre, que je devais être moins douillette.

Ainsi, chaque mois, j’avais rendez-vous avec mon canapé. Au début, cela durait deux ou trois jours et puis, assez rapidement, une semaine complète.
Après cette année avec le stérilet, j’ai décidé de consulter une nouvelle gynécologue qui a repéré des kystes sur mes ovaires. Elle évoque alors le syndrome des ovaires polykystiques et puis, le cancer.

Sur les conseils de ma maman, je me rends chez un spécialiste.

Nous sommes en 2011, j’ai 28 ans et le diagnostic tombe. Le professeur Donnez m’annonce que j’ai de l’endométriose.

Je ne connaissais pas du tout cette maladie. Je n’en avais jamais entendu parler, je ne savais pas si c’était grave ou non. Je ressors avec un tas de papiers, un tas d’examens à réaliser.
Et les larmes coulent. Je pleure de soulagement mais aussi d’inquiétude car il pouvait encore se rétracter et me dire que finalement il n’y avait rien.

À force de s’entendre dire qu’il n’y a rien, que c’est dans la tête, qu’on est douillette, le cerveau doute, hésite, le jour où l’on nous annonce que nos douleurs portent un nom. Qui sait ? Peut-être s’est-il encore trompé ?
Ce réflexe est cette marque indélébile qu’une dizaine de médecins ignorants, sans tact, sans explication et sans solution ont laissé dans mon corps et dans mon esprit. Il hante également ceux de beaucoup d’autres femmes.

Le 11 mai, jour de la délivrance.
Suite à une série d’examens, le professeur m’a annoncé qu’il fallait opérer. À cet instant, j’ai accepté d’y croire, j’ai accepté qu’il y avait bien quelque chose et que je n’étais pas folle.
Ce quelque chose existe, doit être traité et chirurgicalement de surcroît. Ça a mis fin à ce parcours du combattant.

Lors de l’intervention, ils ont découvert de l’endométriose un peu partout au niveau gynécologique, dans le cul de sac de douglas, sur les ovaires, les ligaments utérosacrés, le péritoine, mais également au niveau des intestins, du sigmoïde,…
Pour le Pr Donnez, il était clair que l’atteinte à mes ligaments était responsable des douleurs à la jambe…

À la suite de l’opération, même si les débuts n’ont pas été faciles, je me suis sentie délivrée. C’était une véritable renaissance. Je pouvais revivre, profiter de tous les petits plaisirs qui avaient toujours été empêchés par les douleurs.

Une belle surprise

Trois ans plus tard, les nausées et les fortes douleurs abdominales étaient à nouveau présentes. J’ai consulté la boule au ventre, je craignais l’annonce d’une nouvelle récidive de la maladie. Mais ce ne fut pas le cas, c’était une belle surprise : j’étais enceinte.

Ma grossesse ne fut ni tranquille ni sereine. À peine au bout du deuxième mois, j’ai eu des contractions. J’ai alors dû être alitée durant 7 mois tout en prenant un traitement hormonal pour empêcher les contractions. Bref, une grossesse à risque.
Au cours de cette période, toutes mes douleurs étaient revenues. Et dire qu’à l’époque, on pensait que la grossesse guérissait l’endométriose.
Au bout du compte, j’ai pu tenir dans mes bras une petite fille en pleine santé.

Quelques années plus tard, j’ai appris que beaucoup de femmes qui ont de l’endométriose vivent ce genre de grossesse.

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La récidive de l’endométriose

Après l’accouchement, les douleurs sont revenues de plus belle pour ne plus me quitter. Mais on m’a répété que mon endométriose était terminée et que ce n’était pas ça. On m’a laissé repartir. À nouveau, sans explication.

Je suis restée dans cet état jusqu’à ce que deux accidents me donnent le courage de reprendre le combat pour trouver une solution. Un jour, alors que je tenais ma fille dans mes bras, je me suis sentie tomber. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour tomber sur mes fesses et la protéger.
Une autre fois, j’étais en voiture et ma fille était à l’arrière. Ma jambe ne répondait plus. Mon enfant était à l’arrière du véhicule et j’avais peur. J’ai pu rentrer chez moi sans dommage, une chance.

Ces douleurs, je les trainais depuis l’accouchement. Ma santé mettait ma fille en danger, je ne pouvais plus l’accepter.

J’entends les mêmes discours que dans mon adolescence, j’ai à nouveau 17 ans.
Ma fille devait avoir 2 ans quand j’ai croisé le chemin du Pr Nisolle à Liège.

Elle a directement décelé un petit quelque chose à l’échographie et m’a dit ceci que je retiendrai, ce n’est pas parce qu’on ne voit rien qu’il n’y a rien. Après quelques examens, une opération est prévue. L’endométriose avait bien repris. Il y en avait notamment derrière l’utérus qui expliquait les douleurs lombaires.
J’avais 34 ans et j’en ai profité pour lui parler d’hystérectomie. Elle me répondit alors par la négative.
J’ai donc réitéré ma demande 2 ans plus tard et elle dit oui !

Une fois encore, l’endométriose frappait à ma porte et j’en avais assez.
Je lui ai expliqué que mon choix de vie était d’être une maman plus ou moins en forme. Je préférais offrir à ma fille une maman plutôt qu’un petit frère ou une petite sœur.
Et si, quand bien même, j’avais voulu un deuxième enfant, j’aurais dû revivre une opération, peut-être des traitements, sans oublier la grossesse à risque.
Mon corps était fatigué, il avait assez souffert.

L’hystérectomie fut rapide et spectaculaire.
À ma grande surprise, je me suis rapidement remise de cette lourde opération. Mes douleurs se sont envolées ou presque.
Depuis lors, les douleurs abdominales ont disparu, une vraie libération. Ma vie intime s’est également transformée, jamais je n’avais vécu cette harmonie, cette symbiose.

On a pu aussi m’éclairer. Mes problèmes à la jambe étaient des douleurs neuropathiques. L’endométriose s’infiltre partout et vient abîmer les nerfs, il me faudra vivre avec.
En effet, les douleurs neuropathiques m’accompagnent au quotidien.
Des douleurs articulaires, des fourmillements, des décharges électriques,… m’assaillent. Il m’arrive de ne pas pouvoir couper mes légumes comme je le voudrais…

L’endométriose est réellement handicapante au quotidien.

Il y a des jours où je suis en colère contre la maladie mais, j’essaye de relativiser et de quantifier ma chance dans ma malchance.

Aujourd’hui, je marche parfois avec une canne.
L’endométriose est toujours là, ne se laisse pas oublier et se manifeste notamment dans le diaphragme et les poumons. Le diagnostic est complexe et requiert une certaine expertise.
Je demeure à l’écoute de mon corps, en alerte.
L’avenir me révélera bientôt ​ce que la maladie me réserve encore comme surprises.

Une note d’espoir 

Vivre avec l’endométriose, c’est avoir projets et parfois les voir reportés à x années. Mais comme pour tout, les moments difficiles finissent par passer ! Il y a toujours une petite éclaircie…

A 40 ans, je prépare mon mariage avec mon chéri et notre fille de 6 ans. Pour le coup, le fautif s’appelle coronavirus, en 2020, nous avions décidé de reporter carrément de 2 ans! L’endo m’aura appris que nous ne pouvons être sûrs de rien face à une maladie inconnue.

Même si les étapes ne se font pas dans le bon ordre, ce n’est pas grave car ce sont ces petites étincelles de vie récoltées par ci par là qui deviennent notre carburant pour avancer malgré cette maladie qui nous pourrit la vie. 

C.D.

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